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Réaménagement en double voie de la rocade sud à Perpignan, une aberration environnementale, sociale et économique !

Si avec ce projet de requalification de la rocade Sud le Conseil Départemental des Pyrénées Orientales pense rendre service aux habitants du territoire, il se trompe. Une fois de plus, ces projets d’infrastructures donnent une réponse inverse à ce qu’il faudrait faire en ces années 2020 : 

Les infrastructures routières sont incompatibles avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre :

  • D’abord dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone, ainsi que de zéro artificialisation des sols (même si la loi a été affaiblie sur ce point).
  • Toutes les études mondiales démontrent que construire des nouvelles routes non seulement ne fluidifient pas le trafic, mais le fait augmenter. En effet, l’offre créée la demande. Si les premières années la circulation semblent s’améliorer, la probabilité de saturation est de 50% à terme, selon les Shifteurs * notamment à cause des possibilités d’urbanisation qu’offre la route. En effet, la construction de routes ouvre systématiquement la voie à l’étalement urbain. De nombreux projets de lotissement sont déjà, d’ailleurs, inscrits dans le PLU comme à Pollestres, au Mas de la Miséricorde, ou à Technosud, avec, à la clef, encore plus de trafic. La rocade actuelle a été construite dans les années 90 pour exactement la même raison. C’est ce que l’on appelle le trafic induit, Cette notion de trafic induit est bien expliquée par l’urbaniste Frédéric Héran lors d’une conférence à Céret en 2023, organisée par l’Association Bien Vivre en Vallespir :

Un investissement coûteux et mal orienté :

Les citoyens se retrouvent une nouvelle fois captifs de la voiture et d’un mode de vie dispersé. Cette rocade illustre la vision court-termiste du CD66 qui s’apprête à dépenser 47 millions d’euros selon la presse, alors que les transports en commun sont peu développés. Le TER vers Céret ou Quillan est toujours réclamé et attendu, et celui entre Villefranche et Perpignan a été lamentablement interrompu pendant un an et demi. La cadence de ce TER est d’ailleurs insuffisante surtout le week-end, et la grille horaire se termine beaucoup trop tôt, obligeant les usagers à prendre leur voiture. Des lignes de train régulières pourraient pourtant concurrencer efficacement la voiture. Financer encore des routes c’est donc pénaliser le développement des mobilités alternatives collectives moins polluantes. Et donc priver le citoyen de liberté de mouvement.  

L’AGGRAVATION DE LA POLLUTION :

Qui dit choix politique de construire plus de routes, de privilégier la voiture individuelle et de poursuivre l’étalement urbain, dit choix politique de faire vivre les citoyens dans un environnement pollué nocif pour la santé, ce qui est contraire au droit.  En effet, la protection de la santé et le droit à vivre dans un environnement sain sont des libertés fondamentales de valeur constitutionnelle. Il incombe donc aux pouvoirs publics la charge de garantir la santé environnementale du territoire. .

Pour rappel, l’association Atmo qui mesure la qualité de l’air, avait relevé en 2022 à Perpignan un dépassement des valeurs limites en dioxyde d’azote, un polluant émis à 76% par le transport.  Dans son rapport, on apprend qu’une rocade concentre 40% des émissions de polluant et du trafic routier. Si on se base sur les normes très restrictives de l’OMS, la totalité du département est exposé aux polluants atmosphériques.

Ces derniers provoquent cancers et maladies respiratoires, notamment chez les plus jeunes.  Comme le relèvent les Shifteurs et d’autres avis, aucun bilan carbone n’a été effectué dans ce projet de rocade.  Mais nul besoin d’un doctorat pour comprendre que les émissions vont forcément augmenter en l’absence de réelle politique sur les transports publics et l’aménagement urbain. 

Les 147 arbres abattus pour ce projet entraînent la perte de puits de carbone au sud de perpignan

Il est inutile de rappeler l’importance des grands arbres dans un contexte de réchauffement climatique, ni que de planter de jeunes arbres sous des climats secs est extrêmement aléatoire. A défaut de compenser on pourrait déjà éviter. Les vidéos offrent une vision très idéalisée d’une rocade fluide, agréablement végétalisé et bordée de beaux arbres adultes. Pour rappel, le territoire a connu deux périodes de très fortes chaleurs cet été qui ont achevé tous les arbres déjà affaiblis par la sécheresse passée, et desséchés de nombreux autres. Il ne faut pas mentir aux gens en montrant une vision tronquée du futur, à moins de prévoir un arrosage important des plantations, en dépit des restrictions préfectorales. Mais le sort des 147 arbres est déjà scellé vu que la préfecture en a autorisé l’abattage sans que personne ne soit vraiment au courant. 

Certains Conseils Départementaux semblent avoir pris la mesure du changement climatique et de l’aide précieuse des arbres. Le Conseil Départemental de Haute Garonne a choisi en 2021 de les mettre en valeur dans le cadre du changement climatique et de la préservation de la biodiversité en invitant pour une conférence deux grandes figures passionnées par les arbres et leurs bienfaits : Francis Hallé et Ernst Zurcher.

Un déficit démocratique probant :

Organiser une consultation publique en plein été est franchement incorrect. C’est un grand classique quand il s’agit d’éviter toute contestation citoyenne. On sait bien que cet avis n’aura aucune valeur contraignante et ne sert que de vernis démocratique. Le projet nécessite en plus l’abattage de 147 arbres qui a fait l’objet d’une concertation éclair du 24 juin au 8 juillet, indépendante de l’enquête publique concernant le réaménagement de la rocade Sud RD914 et de la RD900.   A minima, le MO aurait pu les intégrer dans l’aménagement, comme cela se fait ailleurs.

Pour terminer, il ne fait aucun doute que les véritables gagnants de ce n-ième projet routier sont les promoteurs et le secteur du BTP. Dans le 3ème département le plus pauvre de France, incapable de produire des emplois de valeur et innovant, les élus continuent de tirer sur la rente immobilière et la construction, les seuls secteurs avec le tourisme ou l’agriculture à donner un peu d’emploi. En l’absence de vision à moyen et long terme, la bétonisation et ses conséquences sur la santé et l’environnement a encore, ici, de beaux jours devant elle.  

* Rapport rocade contournement nord-ouest de Montpellier 

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